lundi 21 mai 2018

"Vous et Nous" Nous sommes parmi vous






Des deux bords de la psy (être fol, être soignante) j'entends parler de "eux et nous" "vous et nous". Vous les soigné-e-s nous les soignant-e-s.

De la part des soignant-e-s ça peut être très violent. Je me rappelle d'un Noël passé en HP. Pour marquer le coup l'équipe avait préparé toasts au pâté et autre et jus de fruit pour boire l'apéro avant le repas un peu amélioré servi par les cuisines à tous les services. Celleux qui ont vécu les fêtes à l'hosto savent : on est peu nombreuxses en tant qu'usager-e-s, tout le monde fait un peu la gueule, est un peu plus fragile, et on était une demi douzaine autour des tables rassemblées en gros carrés.
Une ASH suûrement avec la lose de travailler le 24 Décembre au soir faisait un peu la gueule et nous admonestait d'attendre "que tout le monde soit là", c'est à dire un usager qui avait un peu disparu (il était allé consommé en ville en fait) et deux infirmières qui finissaient de ranger le chariot de médicament. Festif de se faire aboyer dessus, et si elle n'était pas ravie de TAFFER le soir du réveillon, elle n'aurait pas dû nous le faire subir à nou-e-s qui ETIONS HOSPITALISES le soir du Réveillon.
Bref un patient fort psychotique et dans son monde a pris un toast, j'ai fini par faire pareil (on attendait de dammer depuis une heure, j'étais fatiguée, je voulais aller me coucher) et cette ASH a hurlé "ON VOUS A DIT D'ATTENDRE ! J'en ai marre, avec eux on peut jamais faire les choses bien"
OK
Je me suis levée, suis allée sur une chaise attendre le traitement de nuit et l'ouverture des chambres (parce que dans ce service on nous enfermait hors des chambres, soit disant pour qu'on larve pas toute la journée et dorme pas la nuit), je n'ai pas mangé, et j'ai contenu très fort mon envie de balancer une chaise contre une fenêtre pour éviter d'en plus de Noël passer la Saint Sylvestre sanglée en chambre forte.
La violence.
Aucune infirmière ne l'a reprise (parce qu'on critique pas un soignant devant les patients), aucune n'est même venue me voir pour me proposer quoi que ce soit, me demander quoi que ce soit ni pourquoi je refusais de manger. Le corporatisme.
Eux.
Nous.
Ici la ligne, comme la ligne de confidentialité à la pharmacie.
Eux ce sont des fols, nous nous sommes des normaux.
Nous on bosse, eux ils sont payés à glander et en plus ils nous font chier ils sont demandeurs.

Bref.

Cependant de par le respect (qui se dilue heureusement mais qui semblait inné voilà encore quelques années) envers le corps médical et para médical, les failles des fols, nos traumatismes passés, l’habituation à la maltraitance institutionnelle, le fait qu'aucun-e soignant-e n'avouera qu'un-e de ses collègue a déconné, que le médecin est un trou duc etc... Nous aussi nous mettons cette frontière.

Il y a nou-e-s, les pas normaux, les brindzingues, les hospitalisé-e-s, les cassé-e-s, les lumineuxses, les fort-e-s à foison, les originauxles, les pertinent-e-s, il y a nou-e-s et il y à eux.
Hors il y a des eux chez nous et des nous chez eux, la frontière n'est que mentale.
Par exemple je suis infirmière retraitée, et malade schizo rétablie, avec un parcours en psy un peu plus long que ma carrière de soignante.
Par exemple mon pharmacien, Mr Z est phobique social, alors qu'il est Dr en Pharmacie et possède son officine. A chaque client-e qui entre il fait une petite attaque de panique.
Par exemple le chef de service de l'unité voisine de celle où j'ai travaillé était dépressif mélancolique. Il n'en parlait pas, il ne se mentalisait pas malade. ET puis il a parlé de plus en plus de la mort. Ses confrères médecien-e-s n'ont pas voulu lui imposer de traitement ou d'hsopit à lui parce que quand même c'est un grand psychiatre. Au final il s'est pendu dans son bureau. Des nous meurent de se croire uniquement eux, des nous meurent d'être eux et pris pour eux, donc normal, donc a "protégé" (lol de pierre)
Par exemple des usager-e-s meurent parce que eux pensent que nous racontons de la merde et ne s'occupent pas des symptômes somatiques que nous décrivons.


Mais nous, nous sommes partout. Il existe des député-e-s alcoolo dependants, des patissiers bipolaires, des infirmières schizo affectives, des médecins psychiatres mélancoliques, et des fous hospitalisés infirmiers, architectes, ouvrier-e-s, sociologue ou archéo.


Vraiment si une chose est dans la tête c'est pas la souffrance (blague éculée) mais la barrière entre elleux et nou-e-s. On ne sait pas toujours si notre boulanger n'a pas été arrêté six mois pour telle ou telle raison psychique et n'est pas revenu faire son bon pain sans paraitre fou. On est parmi eux. Parmi les soignant-e-s et dans toute la société. Dans tous les corps de métiers. On est dans l'armée, dans la police, dans l'assemblée, en bibliothèque, dans les écoles, les facs. Nous sommes partout.


Notre regard sur eux et nous, je nous invite à le modifier, prendre un autre point de vue. Un peu à la "les fous dominent le monde". Les fous aussi construisent le monde, éduquent, enseignent, soignent, pansent, opèrent, dirigent, sont dirigé-e-s.


Nous sommes infiltré-e-s.

2 commentaires:

  1. mon Dieu, la violence de cette pourriture.

    c'est avec eux, les normaux, qu'on peut jamais rien faire de bien.

    on s'en branle de leurs règles dépourvues de significations.

    elle voulait juste que vous soyiez bêtement obéissants.

    par principe.

    au lieu de profiter de la bouffe.

    qu'est-ce qu'on s'en cague d'attendre une unique personne pour manger, tant qu'on lui en laisse ?

    sur le corporatisme... mon Dieu, quelle trahison.

    c'est tellement aberrant de devoir s'interdire de critiquer des soignants maltraitants.

    ça fait partie des raisons qui m'ont poussée à dégager.

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