dimanche 2 avril 2017

Nou-e-s les "toxiques"






Je me suis questionnée ces derniers mois. Ces dernières années même. J'ai appris que les gen-te-s normauxles pouvaient mettre fin à une relation amoureuse alors qu'ils sont amoureuxses encore mais avec des projets incompatibles. Et ce dans le calme, malgré le chagrin. Je sais depuis longtemps que dans toute famille, même de l'apparence la plus normaée avec même le sourire qui brille il y  a des squelettes dans le placard. Je me suis rendue compte à quel point, chez les normauxales, un membre de la famille est écarté voire rejeté car iel s'écarte de la norme psychique, cisgenrée, heterosexuelle ou romantique, mais aussi simplement car ce membre de la famille s'écarte de la norme sociale au sens le plus ténu. Et j'ai entendu, sur MadmoiZelle (flemme de chercher le lien) comme un peu partout qu'il fallait se défaire de ses relations "toxiques", "qui pèsent", "qui n'apportent rien".

Je voudrais revenir sur ce modèle là de rejet qui semble épidermique, naturel et sensé, alors qu'absolument pas. Quand on essaye de le penser et de le dire. Je ne parle ici as de relation abusive, de mauvais traitements physiques et/ou psychologiques. Je parle de "la personne toxique" souvent pointée du doigt, lae dépressifve "qui ne fait rien pour s'en sortir", "qui se plaint tout le temps" et sa cohorte de préjugés sur "iel devrait voir un psy" (ah bon, t'en connais un bien, qui ne soit ni maltraitant, ni indifférent, ni hors de prix, ni qui te met sur liste d'attente six mois ? Tu m'intéresses), "iel ne fait rien pour aller mieux" (si), "depuis le temps iel ne fait que se plaindre" (conseil : dis-lui d'aller mieux c'est magique. Non), "iel doit se complaire dans le malheur" (comme... comme personne en fait. Spoiler : souffrir ça fait mal, et on ferait tout pour que ça cesse, simplement tout parfois déjà c'est pas beaucoup et bien souvent c'est pas assez), "je n'ai rien en retour"


Cette dernière phrase cliché surtout me met aujourd'hui en colère. Ce sont tou-jours les normauxales qui exigent "quelque chose en retour". Information : un état dépressif (et autres troubles psy) met du temps à guérir, il n'y a pas toujours de cause qui saute aux yeux, ça peut simplement être la neurochimie qui fait des blagues de mauvais goût et bien des personnes "ne réagissent pas" ou "échappent" aux traitements antidépresseurs (deux formules de psychiatrie qui redisent bien ce que dit le discours normatif, que l'usager-e est coupable de ne pas guérir, iel "résiste aux traitements", ce n'est pas la maladie qui est résistante, lea malade est actifve dans l'échec thérapeutique chimique, et quand on gratte auprès des soignant-es c'est sans doute pour une raison psychanalytique du même ordre : ne veut pas guérir, érotise sa souffrance, "met lea soignant-e en echec")(ce n'est jamais le côté soignant qui est en échec donc, comme si les traitements, même actuels avec les progrès, n'étaient pas lourds, blindés d'effets secondaires de merde et pas efficaces sur tout le monde. Quant aux personnels, je n'ai connu dans toute ma vie de malade que deux qui m'aient directement demandé si je trouvais qu'iels étaient de suffisamment bon-nes soignant-es pour moi et donc si j'acceptais la suite des soins à leurs côtés. Autrement, en cas d'echec j'en étais responsable, en cas de rémission iels se félicitaient)

Ce sont donc, disais-je, toujours les normauxales qui exigent quelque chose en retour. Qu'une relation soit "équilibrée", "symétrique". C'est déjà penser qu'un-e humain-e en souffrance n'apporte rien. Alors que j'ai rarement connu autant de soutien et de bienveillance que sur les groupes d'autosupport NA. Ca donne l'image de la personne en dépression comme un boulet, geignard, lourd, pénible et complètement autocentré.

Pour mes ami-es je ne dis pas, certain-es ont été là. Mais sinon... De mon expérience, ce sont les normauxales qui s'écoutent, qui veulent être écouté-es, pour des problèmes de vie quotidienne d'enfants pas sages de mari pas tendre de copine dépressive (une autre sans doute) et les normauxales n'ecoutent pas, iels disent (vécu jusqu'à ce que j'arrête de me confier forever) "appelle-moi quand tu veux". Ce qui est une manière de dire "ta gueule" en se donnant bonne conscience. On te demande pas ton numéro de téléphone nom de nom on te demande quinze minutes d'écoute maintenant. Tu es mal à l'aise tu sais pas quoi dire, souvent y'a rien à dire, c'est toi qui n'apporte rien. Peut-être dans un autre billet reviendrai-je sur des conseils pour soutenir des gen-tes qui sont en depression (malgré la variabilité, mais partager un repas, faire un hug si la personne est tactile, ou juste fermer sa bouche et recevoir) mais c'est d'une violence rare de nos traiter de monstres comme je l'ai si souvent lu "vampires". C'est pas non plus par réel choix qu'on vous sollicite. Imaginez-vous vous péter une jambe, et puis aux urgences on vous dit "vous avez un orthopediste, moi je m'occupe pas de ça le week end, parce que bien sur c'est le week end que vous vous fracturez, attendez lundi et allez voir votre généraliste", votre généraliste ne veut pas vous "morphiniser de suite" et vous propose de vous mettre au yoga bon pour la posture et d'en parler avec des joggers, vos proches vous conseillent de simplement marcher "moi je le fais tous les jours et c'est de plus en plus facile ! Le tout c'est la motivation :) "

On est rejeté-es par x% du corps médical, et psychosocial, on souffre d'une maladie grave et tout le monde s'en branle, alors si vos ami-es vous trouvent boulets, là, avec votre jambe pétée a jamais vouloir aller au ski sans faire d'effort et pleurer et grimacer tout le temps et vous traite de vampire à jamais porter les courses des copin-es alors que elleux sont allé-es vous chercher un verre d'eau.


Donc les appels à "dépolluer" (sic) "assainir" (sic) les relations... Je trouve cela hyper fascisant et hygieniste mentalement.


De ce qu'on en sait si l'Huamin a prospérer c'est bien parce que l'espèce humaine n'abandonne jamais les blessés, c'est le fondement de la société, qu'aussi ceulles qui teinnent la route aident ceulles qui le peuvent moins. Ou alors on est toustes de gros-ses winneurses, sinon on crève.


"N'avoir que des relations épanouissantes" (sic), sous cet angle là, c'est dire "marche ou crève, je m'en fous je suis du bon côté de la domination"