dimanche 4 décembre 2016

Traitement, poids, culpabilité

Je prends des neuroleptiques (Tercian, Risperdal) Les neuroleptiques agissent de trois manières sur le poids :
- Ils modifient le métabolisme
- Ils ralentissent physiquement (ils fatiguent)
- Ils sont orexigènes = ils donnent drôlement faim, tout le temps

Synthèse : depuis ma hausse de traitement il y  a deux ans suite à une rechute, j'ai pris vingt kilos.
Et je culpabilise doublement. Je culpabilise de ne pas être dans les normes imposées esthétiques, de santé, d'être un peu moins désirable pour l'être aimé, de ne pas contrôler ma faim, de ne pas contrôler mon corps, de ne pas contrôler mon apparence and all the shit. Et ça me fait chier que les gen-tes me demandent si je suis enceinte, comme si ça les regardait en plus.
Mais je culpabilise aussi de culpabiliser, parce que la lutte contre la grossophobie m'importe, m'apparait nécessaire et pertinente, contre le bodyshaming aussi, je culpabilise de me trouver moche, en moins bonne santé (je suis essoufflée et c'est pas que la clope) et qu'aucun vêtement ne me sois séant puisque je ne trouve pas mon corps séant, bref, de ne pas réussir à positiver mon apparence, de manquer de force, d'inspiration, d'échouer au plus proche et intime comme militante. Et cela je n'ose pas en parler sur les groupes, parce qu'en plus je risquerais de déprimer d'autres gros-ses et de les freiner dans leurs démarche de "positivment" (?) de leur corps. En gros c'est capital pour les autres et moi je peux mordre ma chique.


Je ne vis cependant pas (plus, il y eu mes parents, très durement parfois) de pressions au quotidien pour contrôler et faire baisser le chiffre sur la balance, le militantisme des gros-ses a fait du bien sur la première part de ma culpabilité, je peux argumenter et me positionner face au regard des autres (et de l'Autre) et pour le côté militant, je commence à me dire "hey, ne projette pas le mal que tu penses de toi sur autrui."

Le travail sans doute jamais achevé d'acceptation de mon corps (et de ma personne plus généralement) est laborieux et lent, égratigné par mon histoire, mes troubles dépressifs et d’auto agressivité physique mais il vaut le coup, car chaque millimètre d'estime de mon corps gagné est un litre d'oxygène qui arrive à mes poumons, chaque gramme d'équilibrage militant aussi. Mon corps et moi, sommes arrivés à un compromis qui me semble bien, ne pas prendre plus, ne pas battre ma coulpe, niveau militantisme, entre "moi" et "moi" qui ô surprise ne suis pas parfait ni déconstruite complètement - LOL- aimer davantage le dedans et l'enveloppe. Pas si mal non ?

samedi 3 décembre 2016

Femme au foyer féministe et psychotique

J'étais infirmière, j'ai eu à demander ma retraite anticipée pour invalidité en raison de mes troubles psychotiques à l'âge de 41 ans. Dans le même temps, ce qui est une coïncidence, je me suis installée chez mon compagnon, qui travaille à l'extérieur et ai proposé (presqu'imposé) le fait que je me charge des tâches ménagères. Le fait de ne pas avoir de travail rémunéré n'est donc pas un plein choix (même si j'aurais pu tenter une quatrième adaptation de poste ou une reconversion) mais le fait d'assumer le travail à la maison l'est.
Je suis par ailleurs féministe.
Je souhaite parler dans ce billet de la conjonction de ces facteurs.

Pour nous femmes féministes le travail à la maison n'est pas péjoratif, même si nous militons contre le fait que les femmes l'assurent en grande majorité. La grosse nuance est que ce n'est un travail ni rémunéré ni valorisé socialement, par contre indispensable à la vie du foyer et de la société. Pendant que les femmes récurent les chiottes, les hommes n'ont pas à le faire et ont donc du temps et de l'énergie à investir dans la sphère publique et sociale, voilà en très gros le propos.
Ce dont je me suis pleinement rendue compte en travaillant à la maison : quand nous (couple cishet, ok) voyons des ami-es, mon compagnon peut parler de son taff, de ses recherches, ses problèmes avec les collègues, ses succès professionnels et recueillera intérêt, estime, compassion. Moi, je peux difficilement parler de ma cuvette de toilette éclatante grâce aux galets effervescents que je fabrique moi-même ou de mes draps de lits pas au top au contact malgré assouplissant et repassage. Enfin, je peux, mais tout le monde s'en tape.
Pourtant, je retire de grandes satisfaction et un vrai épanouissement dans ces tâches et il ne me viendrait pas l'idée de reprocher quoi que ce soit à ma moitié, ou à nos ami-es. Les choses sont ainsi, c'est culturel, social, systémique et ce n'est pas parce qu'une action n'est pas mise en lumière que c'est de la merde.
Le ménage demande organisation, maitrise de techniques et de produits (des bases en chimie, en physique), savoir faire. Et comme face à un juteux contrat signé, on peut être complètement satisfait-e et accompli-e devant un foyer propret et agréable à vivre.
Je ne me sens pas rabaissée de m'en charger. C'est le travail que j’accomplis pour moi-même (oui, je sais, seul-e il faut le faire aussi - mais en couple il faudrait en faire moitié moins), mon compagnon, notre couple et la communauté - la société.
Il s'avère donc que je suis psychotique (le fait qu'il s'agisse de troubles schizo-affectifs ou de ce qu'on appelait autrefois une psychose maniaco dépressive est questionné en ce moment), ce qui est mon talon d'achille pour un travail rémunéré. C'est loin d'être le cas pour toutes les personnes vivant avec ces troubles, mais c'est ce qui m'empêche de travailler à l'extérieur et aussi de soutenir moralement comme je le souhaiterais l'homme que j'aime. Il est mon pilier, s'il vacille, je tremble. Je trouve d'autres ressources extérieures, comme mon infirmière référente au CMP, ou des cachets en plus, ou des proches, mais je ne suis pas aussi soutenante que je le voudrais. Me charger de notre ménage est aussi ma manière de le soutenir au quotidien, de m'occuper de lui, en plaçant dans mes routines une grande part à son plaisir de trouver, manger, telle ou telle chose. C'est pour moi une belle manière de prendre soin de l'autre, d'aller vers une relation plus symétrique dans ce que l'on s'apporte l'un à l'autre.
Je ne pense pas que toustes les psychotiques m'en voudront si je dis que nous sommes plus fragiles que les NT, avec besoin de davantage de soutient, d'étayage, en tout cas sur le moyen et long terme.

Pour en revenir au féminisme, il me semble que nous devrions (mais sans dout est-ce déjà fait...?) creuser davantage le pouvoir (l'empowerment) lié au travail ménager et ce qu'il implique dans le couple, le groupe, la société. Pas seulement dans ce que j'ai décrit sur la satisfaction d'avoir fait du bon travail, mais dans le contrôle de l'organisation du foyer (du couchage aux repas, aux comptes, à l'éducation des enfants), dans les choix de mode de vie, et sur la force des liens de sororité : je n'ai jamais connu complicité et soutien entre femmes que sur les groupes FB de rangement, ménage... et certainement pas sur les groupes féministes où nous sommes très violentes entre noues. J'ai vraiment eu l'impression de découvrir le monde secret mais si capital des femmes, dans tous les aspects de la vie.


En fait pour avoir un espace non mixte bien vécu par tout le monde il faut parler récurage de salle de bain


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