mardi 2 août 2016

Accepter de ne pas comprendre





Alors que je lisais un souvenir s'est présenté à moi. Lors de ma dernière cure de sevrage alcoolique j'ai été dans le même groupe qu'un homme schizophrène d'une quarantaine d'année. Il était marqué par une vie de maladie psychique profonde, de maladie alcoolique, de psychiatrisation, d'errances et de marginalisation. Alors que la réalité de mes troubles ne s'était pas encore fait jour en moi (mais était imminente) je me suis positionnée en camarade et en infirmière psy, lui parlant volontiers. Un jour, à table, il m'avait craché que je devais me trouver "bien maligne à croire que je le comprenais" Il m'avait remise en place. Si déjà je "comprenais" bien un autre fou, j'avais été condescendante voire curieuse, j'avais débiordé de ma place et par ailleurs il avait raison, je ne le comprenais pas.


La folie fascine et apporte son lot de fantasmes, revulsants, apeurants, ou exotisants et romantisant. Souvent les deux mêlés (on croirait pouvoir trouver de bons fous doux poètes visionnaires incompris  et de mauvais fous se baladant en douce parmi les braves gen-te-s avant de les décaipter à la hache le vent tournant) Et, on le constate récemment autours des attentats dramatiques, on taxe de folie ce que l'on ne comprend pas. Le sophisme est vite fait : Je ne comprend pas ceci. Je ne comprends pas la folie. Ceci est l'oeuvre d'un fou. C'est la carte chapeau magique. Et comme nous quidams avons du mal à comprendre le mal immense que peuvent exercer les humain-e-s...

Ensuite, face aux fou-olles existe ce malaise, cette angoisse profonde de ne pas comprendre, de ne pas savoir à quoi s'attendre, l'imprévisibilité des fous, folles. Devant une personne marginalisée parlant toute seule dans les transports en commun par exemple. Je parle même de gen-te-s déconstruit-e-s face à ces personnes. Une femme dans le métro est plus mal à l'aise face aux fous qu'à l'idée de se faire agresser par un homme (mains aux fesses, harcèlement divers) ce qui a pourtant bien plus de chance d'advenir que de se faire agresser par un-e fou-folle. Dans le même temps ets l'envie de comprendre, comprendre la folie, les fous, comprendre pour maitriser, se préparer. D'où à mon sens cette abondance de fantasme. Et la curiosité insatiable des humain-e-s.

Un jour à Toulouse, très malade et en perdition, je consultais mon psychiatre. Je lui demandai si j'étais un être humain, que je ne comprenais pas les êtres humains qui ne semblaient pas me comprendre non plus. Eux, dis-je, se comprenne entre eux. "Ils croient se comprendre" me dit-il.
La politesse, les banalités, la même forme de langage sur le fond et la forme constituent ce ciment social, dont le fou en habit de folie est exclu. On cherche à comprendre pour mieux exclure, ou pour assimiler, pour soigner de gré et de force et faire rentrer dans le rang.


Mais le vrai scoop était "ils croient se comprendre". Personne ne comprend vraiment personne, nous demeurons tou-te-s étranger=-e-s les un-e-s aux autres. Et l'état de folie met en lumière et exacerbe ce sentiment su mais refoulé, mis au placard.

Devons-nous nous comprendre ? Je n'en sais rien et la question ne se pose même pas tant nous ne pouvons pas. Acceptons de ne pas comprendre, même de nos parent-e-s, ami-e-s proches, amant-e-s. Nous ne pouvons faire la réelle experience d'un corps et d'une psyché autres. C'est ainsi. Et c'est rassurant. Quand on croit faire l'expérience d'une porosité entre soi et l'autre, comme cela arrive dans des états psychotiques, c'est extremement angoissant et fait pencher vers la mort psychique. Une amie à qui je serinais qu'il était très dur d'être tout seul dans sa tpete me repondit "c'est toujours mieux que de ne poas l'être" Seul maitre dans les limites de ma psyché, disait Stieg Dagerman.


Enfin, on ne se comprend pas soi-même. On ne le peut. Lors de ma dernière phase aigue j'ai tout compris ou cru le faire, inconscient béant, no limit. Je ne me souviens plus, je me rappelle juste que c'était atroce. Et les cyniques ont beau jeu de dire que tout homme ou femme est corrompu et guidé par le profit, c'est bien rigolo de le savoir et une posture de s'en vanter, mais une autre paire de manche que d'en avoir l'absolue lucidité et l'éprouver dans ces tripes. Foutons la paix à nos inconscients. Il n'existe ni trésor ni clé dedans. On peut éventuellement comprendre des événements de vie, des réactions que l'on a faites, des façons dont nous nous organisons dans certains systèmes, mais se comprendre soi-même, psychanalyste, philosophe ou libre penseur, nous le pouvons pas. Une conscience ne peut pas s'étudier elle-même complètement.


Et concernant la vie et ses aléas, je parle ici bien de la folie qui peut nous frapper, comme de toute maladie, j'ai cessé d'en chercher le sens. Des explications sont possibles et multiples, faisceau dhypothèses. J'ai moi-même eu et ai encore parfois des idéations ub delirantes à base de probleme neurocerebraux, de tumeur jamais détectée, et je comprends même qu'on attribue idées et hallus a dieu, aux extra terrestres, à la cia, à la magie. Parce que c'est très fort, on veut savoir pourquoi. La vie n'a pas d'intention et à moins d'en attribuer une à un être divin, la vie est absurde. Mais je cesse de vouloir comprendre, vouloir tout expliquer, tout le temps. Je ne me comprends pas, je ne comprends pas les autres personnes NA et encore moins les personnes NT. Et ce n'est pas bien grave. Nous trouvons des moments communs, des paroles communes, des idées.



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