mercredi 9 décembre 2015

"Pourquoi" ne suffit pas






Nous entendons toustes ces affirmations qui semblent frappées sur le coin du Bon Sens
Il faut vider l'abcès
Il faut lui en parler
Il faut découvrir les causes à cette situation psychique

Cependant, "pourquoi" ne suffit pas. Pourquoi ne suffit pas à aplanir les choses, à les dénouer. Savoir n'est pas régler.
J'ai eu tendance à cherche la cause de ma folie, comme si me ressouvenir d'un éventuel traumatisme, mettre le doigt sur quelque chose allait magiquement me "réparer" (les anglo saxons disent cela "to fix")
J'ai eu tendance à vouloir parler et reparler de mes moments de vie douloureux.
On m'a souvent invitée à m'épancher, dans la cadre "privé" (connaissances, collègues) en étant complètement éffrayé.e lorsque je le faisais.
C'est important de pouvoir parler à cœur ouvert, mais il faut que cette parole soit reçue, qu'elle soit non seulement accueillie mais qu'il y ai un retour.
J'ai parlé d'un viol ,subi à des collègues, qui m'y invitaient. Évoquer cet événement ne m'a pas "délivrée", les traumatismes de vie ne sont pas des abcès à "vider" ou alors personne n'a trouvé le truc. Les métaphores ont bien des limites et les filer ne porte jamais bonheur, on tombe dans les platitudes.


Et puis savoir n'est pas régler. Je voudrais poasser du pourquoi, utile certainement, indispensable, au "comment", au "qu'est-ce que je fais maintenant"

Je sais mes relations avec ma mère, les soucis passés et présents, je ne sais pas l'avenir. Je n'en peux plus, soignant.e.s de devoir parler avec vous de mes années d'enfance. Réfléchissons. Vous me dites que certes, j'en ai beaucoup parlé (usagère de la psychiatrie depuis plus de vingt ans... ça en fait des heures de parole) mais que vous vous en avez besoin "pour m'aider", pour comprendre. Je peux difficilement la faire courte avec vous, en plus, résumer la chose en deux phrases, pourtant claires et contenant toutes les infos. Il me faut revenir sur des événements précis, sur des souvenirs, sur des dates, qui sont pour moi aujourd'hui complètement vidés de sens et de substance.
Je le sais ce que j'ai vécu, ce que j'ai ressenti, réel ou pas, je sais les conséquences sur ma vie présente. Mais what, parler de ma maman pendant des heures vous aide vous en quoi ? Moi j'aimerais qu'on parle de ma vie d'adulte, de mes expériences d'adulte, que j'ai peu travaillées. Savoir que mon vécu de manque affectif fait que je mange, fume des clopes, bois beaucoup de café, achète compulsivement ne m'aide pas, actuellement. Ca se goupille ainsi, j'en ai conscience, mais le savoir ne me fait pas magiquement manger moins, me remplir moins, acheter moins.

Je veux me rencontrer, moi adulte. Avec mes outils d’adultes, acquis ou à acquérir, à apprendre, tempérer mes problèmes compulsifs. Ma vie d'enfant est sans doute fondatrice, mais j'ai vécu des dizaines d'années adulte. Ca compte pas pour du beurre.


De la mêmefaçon, je le dis pour les NT, savoir qu'une angoisse n'a pas de raison d'être (et en a sûrement une mais qui reste obscure) ne fait pas céder l'angoisse (même si dans un cadre très privé cela peut aider à la réassurance), savoir que des voix ou des odeurs sont des hallucinations ne fait pas céder l'hallucination, critiquer totalement ou partiellement un délire ne l'en rend pas moins réel dans l'esprit, en partie, savoir qu'un traumatisme passé est en lien avec des troubles présent ne fait pas céder les troubles.



Je peux répondre au pourquoi, mais pas que, mais pas pendant des heures, et je répondrai alors "et maintenant, on fait quoi ?"

lundi 7 décembre 2015

Quand le choix d'être childfree devient un devoir imposé


Je place ici à titre indicatif que je n'ai
Jamais
Souhaité
Désiré
Voulu
Ressenti le besoin ou le devoir de
Avoir un enfant

Ado et jeune femme on faisait simplement montre de condescendance et d'âgisme en me disant "tu dis ça maintenant"
Et puis ma maladie a éclaté au grand jour, bien obligé.e.s de voir que je buvais beaucoup d'alcool, que j'avais des troubles importants du comportement, des dépenses inconsidérées et puis que j'étais marquée du sceau PSY et que je consommais un lmourd traitement psychotrope.

Donc On s'est dit, cette nana ne doit pas avoir d'enfant.0

Les conversations autours de la descendance devenaient super tendues pour mes proches, des anges passaient (<- petite tentative d'humour) et le monde prenait un air évasif et douloureux car je devais énormément souffrir de ne pas pouvoir avoir d'enfant.

Or je peux avoir des enfants. Je pense même pouvoir en éduquer. Je n'en ressens pas le besoin-désir whatever se passe en les gen.te.s qui font le choix d'enfanter.

Mais ce choix m'était dérobé, il devenait un état de fête : cette folle ne peut avoir d'enfant. Pour dire, mon père m'a même proposé que j'en fasse un et qu'il l'élève.


La violence malsaine du truc.
 pétain pétain pétain je dis quoi ? 

 Donc, l'un dans l'autre, On ne m'a jamais laissé ce choix. Soit je ne savais pas ce que je voulais et l'émerveillement du truc merveilleux de la maternité allait m'apparaitre un beau matin devant mon bol de Nesquick et paf, ça ferait des bébés.
Soit j'avais le bon goût exquis de ne pas faire l'offense au monde de procréer, moi la folle.

C'est lourd le silence, je dirais même avec NOII que le silence qui règne devient assourdissant. Le silence qui pèse et glue autant que les "tu changeras d'avis" "tu feras cette merveilleuse découverte" blabli
Il est arrivé que je sois confrontée à ce choix. Je suis, à l’âge de 28 ans tombée enceinte, comment pourquoi me regarde. Cette grossesse n'était pas voulue. Et puisque j'avais pris des pr"écautions il y avait une probabilité quasi nulle pour que je sois gestante.
Aucun signe n'annonçait cette grossesse. J'étais à l'époque grosse, plus de 90kg, je n'ai pas grossi plus ni minci. Je n'avais pas de nausées. Les neuroleptiques me maintenaient en aménorrhée et galactorrhée depuis deux ans.

Cependant j'avais un rdv chez un gynécologue, un homme, pour un contrôle "de routine"

Je m'y suis rendue le sourire aux lèvres à l'idée de : Ironie. Je m'y suis rendue, je ne connaissais pas ce gyneco, j'en changeais donc nous avons discuté durant un assez bref entretien où j'ai signalé cette fameuse absence de règles depuis deux ans et ses causes présumées. Il m'a demandé s'il existait une probabilité que je sois enceinte, j'ai parlé d'un épisode de rupture de capote, norlevo, blablou, il m'a dit "aucun risque" Il m'a dit "Nous allons faire une écho des ovaires pour voir si tout va bien"*
Il a fait une écho (ça aussi le "nous" c'est assez priceless) et m'a dit "bien, rhzabillez vous et pâssons dans mon bureau"
Je me suis rhabillée et je suis passée dans son bureau. Il m'a annoncé "vous êtes enceinte". J'ai dit "oh.", choquée. Il a ajouté "la grossesse est avancée". Il ne m'a pas dit de combien. Il m'a dit "Eh bien il faudra parler au... au monsieur." et de suite "Vous pouvez aller voir le Dr G moi à ce stade je ne le fais pas ça me..." *geste de dégoût, ou tristesse, ou envie de vomir* J'ai compris que "ça" le brassait, j'ai compris que "ça" signifiait une IVG ou IMG, je ne savais pas je ne savais plus de combien de semaine je pouvais être enceinte, j'ai compris aussi que moi la folle, on ne me demandait pas ce que je souhaitais faire.
Je voulais avorter, je devais avorter, c'était pas possible autrement. Je me demandais cependant comment amener une IMG sans motif médical : je n'étais pas en danger physique, le fœtus non plus visiblement, so what ?

Bref dans ma petite auto avec mon petit chapeau j'ai fait la route jusqu'à l'autre hôpital pour rencontrer le Dr G, cette fameuse docteure "qui faisait ça"

Il y eu un interne, le rdv posé avec un autre gynécologue obstetricien, qui lui aussi faisait "ça" m'a-t-on dit.

Tout allait dans mon sens, je ne souhaitais pas avoir d'enfant, la grossesse était non seulement inattendue mais non désirée et on m'expliquait peu de choses, à part qu'on allait me faire "ça", un geste médical tellement immonde que personne ne pouvait le nommer.

Quand j'ai signé le papier j'ai appris qu'On acceptait de me faire "ça" pour "raisons psychiatriques"

Je suis pour des raisons techniques restée 3 jours à l'hôpital en attendant que mon col se dilate et que "l’œuf" descende, le tout perfusée, sans manger, sans boire, sans mon traitement car On pouvait m'opérer à tout moment.

Je pensais me jeter par la fenêtre (qui était ouverte)(elles ne le sont plus nulle part car d'autres personnes caressent l'idée de se foutre par la fenêtre) personne ne m'a parlé (je précise ici que certes les infirmières en gyneco n'ont "pas de formation psy", mais que les jeunes diplomées qui bossent en psy ont la même (non) formation psy, que l'entretien infirmier est un acte technique, qui s'apprend comme la pose de cathéter et que être humain.e quoi, c'est si dur que ça ?)

Donc je devais avorter (d'un fœtus dont je ne connaissais toujours pas l’âge) acr j'étais folle mais ma folie n'était pas prise en charge. Un contexte hautement anxiogène chez une personne souffrant d'angoisses majeures et moi pas traitée chimiquement ni par la parole. Mm.

C'est là, dans mon lit, à lutter contre des contractions une nuit (avoir de la morphine j'ai pu, les contractions sont de vraies douleurs contrairement aux angoisses qui sont dans la tête. L'angoisse devrait se loger dans l'utérus pour être prise en charge) que je me suis dit "je ne pourrai JAMAIS avoir d'enfant"

On venait de me l'ancrer dans la tête. Ce n'était plus un possible qui ne m'intéressaitn pas trop, c'était un interdit sur un sujet donc on me serinait, par les mots puis par le silence qui était censé accomplir les personnes humaines en tant que personnes humaines.

Je n'étais pas humaine, je n'étais pas une vraie fâmme, je ne pouvais enfanter, je ne pouvais nourrir. Cela me tournait dans la tête "capable de concevoir et pas de nourrir"

Une faute immense, impardonnable preuve profonde et ultime que j'étais un parasite sur terre. Que je ne faisait pas partie de la communauté humaine.

L'Interruption Médicale de Grossesse a eu lieu, je fus délivrée, mais il n'y a que depuis peu que le fardeau n'en est plus un. C'est simplement une vue de l'esprit. Il suffit de faire bouger le kaléidoscope d'un quart de tour.

Ca s'est vraiment débloqué quand une de mes nièces, qui avait alors sept ans, m'a demandé

"Dis Ju, pourquoi tu n'as jamais eu d'enfant ?"
Le bon peuple des humains normaux a retenu son souffle et j'ai répondu ce que j'en pensais "Ben, parce que j'en ai jamais voulu" "Alors c'est bien" a conclu la fille.


Oui, alors c'est bien.

mardi 1 décembre 2015

Dépolitiser ma schizophrénie



J'ai eu à lire, deci-delà
J'ai eu à m'entendre dire, deci-delà
Que "la" schizophrénie est un produit de notre société, que la société capitaliste rend les gens schizophrènes "pour les faire taire" (je l'ai entendu tel quel)
Et que si j'étais schizophrène, en gros, c'est parce que le complexe militaro industriel l'a bien voulu.


Non.



Ma schizophrénie n'est pas politique. Pas en ce sens. Si ma schizophrénie est subversive c'est un dommage collatéral. C'est la manière dont elle s'exprime - je ne suis pas silenciée, décompensée, je tonitrue. Je tache. Est politique la manière dont la société traite les schizophrènes. Est politique ce que je revendique de mon droit à exister au même rang que les autres citoyen.ne.s avec ma schizophrénie.

Je ne sais pas trop comment décrire cette schizophrénie. Je dis parfois "je suis schizo", pour faire court et aller vite.
Je dis parfois "je souffre de troubles schizo affectifs"
Le plus souvent, je dis que "je vis avec une schizophrénie".
Je l'appelle maladie chronique ou pathologie chronique (avec des phases aiguës) ou parfois, handicap. Si je désigne ce trouble (encore un autre mot) ainsi, c'est que je suis contrainte chaque jour d'avaler un tas de médicaments simplement pour être "bien", "normale", que je ne peux effectuer un travail rémunéré du fait de cette maladie, que je suis bientôt retraitée, de façon anticipée, pour invalidité (encore un terme)

Personne ne connait vraiment à ma connaissance les causes des schizophrénies. Elles seraient neuro psycho sociales, On me dit "c'est polyfactoriel". POur moi, depuis le temps, il y a des causes neurologique, psychologiques et environnementales.
Mais de cela on peut douter car on trouve  les schizophrénies partout dans le monde, avec la même incidence. Depuis aussi longtemps qu'elles sont reportées sous ce nom ou sous en autre (il y eut "démence précoce")

Elles ne sont donc pas le produit de notre société, ici française, elles ne sont donc pas le produit de l'oppression des plus pauvres par les plus riches.


Surtout, ma schizophrénie m'appartient. Elle fait partie de moi. Quand je dis que je vis avec des troubles schizo-affectifs forme dépressive, je dis une partie de moi. Une maladie chronique qui a façonné une partie de moi. Elle s'exprime avec ma propre expression, elle s'exprime de ma voix, différente de celle d'autres personnes vivant avec le même trouble.

Ce qui me silencie ce n'est pas le systèmle capitaliste, pas concernant cela précisément, ce qui me silencie c'est le paternalisme, médical, social, familial, c'est le mépris, c'est être persuadé.e que puisque parfois je suis en proie à des délires, des hallus, des symptômes, je ne sais pas ce que je dis, je ne sais pas ce qui est bon pour moi.


Je refuse qu'une personne non concernée m'affirme comment comprendre ma pathologie et la manière dont je devrais la vivre. Je refuse d'être instrumentalisée, car c'est cela précisément qui me silencie.

Qu'on utilise MA schizophrénie que JE vis que JE comprends mal que JE manage pour ME faire dire de façon passive des choses que je n'ai pas envie de dire, ou que j'ai envie d'exprimer différemment, que j'ai envie d'exprimer de MA voix et pas "parce que tu es folle, c'est le système tu vois"

Demandez-vous plutôt en quoi vous, vous êtes des produits du système, questionnez-vous sur l'expression de vos révoltes. Écoutez moi comme vous écoutez tou.te camarade, ne me tokenisez pas.

Je ne suis pas un drapeau, je suis une personne.